lundi 29 avril 2013

Histoire d'une naissance #1


Cela fait quinze jours maintenant. Quinze jours que nous faisons les trois-huit. Quinze jours que nous jonglons en horaires nocturnes – "C'est ton tour ; elle a bu 90 ml, ça fait trois heures..." ; "Tu peux me remplacer ? une heure qu'elle hurle, j'arrive pas à la calmer, j'suis décalquée...". Quinze jours que nous jonglons entre la grande et la petite – "Ce soir, tu donnes le bain à E., moi je donne le bib. à M., tu fais manger E., je couche M., tu couches E." Quinze jours que nos journées de "boulot" se terminent à 22 heures et des brouettes, et que nous avons, en gros, une heure de détente rien qu'à nous – sans enfant, sans ménage, sans vaisselle. Quinze jours que nous turbinons quasi 24 h/24 pour offrir autant que nous pouvons à nos deux filles.

Je ne vous cache pas que, pour l'instant, ma vie de fraîchement multipare me met un brin sur les genoux.

Quinze jours que j'ai accouché. Quelle drôle d'aventure ce fut... drôle, drôle. Étrange. Angoissante. Positive. Remuante. Simple. Belle. Curieuse. Surprenante. Terrifiante. Et tout un tas d'autres choses encore.

Comme un sacré nombre de femmes, j'ai envie, besoin de partager cette drôle d'expérience, le vécu que j'en ai tiré, le ressenti, les souvenirs, les traces qu'elle me laisse. Mon récit sera long, je crois – je vais vous la jouer en épisodes, parce que, vraiment, ça risque d'être long, et puis mon actuel emploi du temps ne me laisse espérer guère plus qu'une petite demi-heure quotidienne pour vous narrer tout ça. Avis aux pressés, donc, ainsi qu'aux âmes sensibles : ce sera long, donc, non coupé au montage, entier, vrai. Rien de terrible ; juste un bête récit d'accouchement parmi des centaines d'autres. Mais c'est le mien.

Pour comprendre un peu ce que j'ai pu vivre il y a quinze jours, faut que je commence brièvement par la prélogie – la naissance de ma grande. Un accouchement "de rêve" pour la grande flippée de la douleur que je suis : une péridurale à 3 cm qui a fonctionné comme au paradis, tellement bien que j'ai dormi pendant tout le travail, ma fille faisant son bonhomme de chemin toute seule en moi, jusqu'à ce qu'on me réveille, fraîche et dispose que j'étais, au petit matin pour me dire de pousser. Ce que j'ai fait sans ressenti ni douleur, ni sensation aucune, d'ailleurs – mais ça m'allait très bien comme ça. Jusque-là, je "gérais". Et puis, on m'a dit qu'elle était là, on m'a dit de l'attraper, j'ai obéis, je l'ai posée sur moi, je suis, fatalement, devenue maman, et je la regardais sans la voir. On me l'a enlevée très vite pour la laver, je n'ai pas protestée, je ne savais ni qui j'étais ni où j'étais – mais certainement pas une mère, ça non – et je voulais juste aller me coucher, et ne surtout pas assumer les responsabilités qui étaient les miennes désormais. J'étais hagarde, paumée, désoeuvrée ; j'étais mère, et pas prête pour deux sous à endosser ce rôle-là, moi qui avais encore tant besoin qu'on s'occupe de moi.

J'ai culpabilisé longtemps, je me disais qu'il n'y avait pas pires débuts pour une mère, que je ne serais jamais mère, que je ne l'aimerais sûrement jamais.
Et puis, je n'avais pas le sentiment de l'avoir mise au monde. Non, j'avais eu la péridurale très vite, sur ma demande ; je n'avais rien senti, je n'avais rien enduré ; j'avais poussé quand on m'avait dit de le faire, point. Je n'avais pas grand mérite.

De fait, je n'ai jamais pu admettre par la suite que je l'avais réellement mise au monde.

Pour conclure ce préambule, il m'aura fallu plusieurs mois, six ou sept, pour devenir la maman de cette petite fille-là. Pour que cette petite fille-là, qui est aujourd'hui ma grande, fasse de moi sa maman pour de vrai. Ce fut long, et pas toujours facile, souvent culpabilisant.

Cette fois, je me sentais plus sereine. Pas vis-à-vis de l'accouchement, non ; toujours cette peur viscérale de la douleur. Mais j'avais, pour une fois, hâte de "l'après", car cette fois, je "savais". Mère, je l'étais déjà ; bon nombre d'appréhensions n'étaient plus les miennes. Entre autres : peu importe ce que je ressentirais au moment de sa venue – simple curiosité ? joie immense ? amour incommensurable ? trouille sidérale ? besoin de pioncer ? je savais désormais que cela ne présageait nullement de la mère que je serais par la suite, alors je n'avais plus qu'à simplement profiter du moment présent, sans plus me fustiger d'être ou de ne pas être ceci ou cela, de ressentir ou pas tel ou tel sentiment. Je n'étais qu'impatience, donc ; impatiente que l'accouchement soit derrière moi ; impatiente de me retrouver seule avec elle dans le silence de notre chambre de maternité, la nuit ; impatiente d'avoir le temps de faire sa connaissance, dans le calme et l'intimité.

Voilà pour le "décor".

Il est 23 heures, mon unique heure de détente du jour s'achève ; ma petite va bientôt réclamer sa ration de bib, que je vais lui donner en m'endormant à moitié dessus. Faut que je pionce – la nuit dernière, elle m'a pas dormi pendant trois heures.

Tu verras, mon accouchement, il est magique, mais j'ai quand même vachement envie de l'envoyer dans le mur quand elle me dort pas la nuit. Comme quoi, je te le disais : rien ne présage jamais de rien, en matière d'enfants et de parents. On les aime, mais bordel de nom de zut, leur en coller douze, des fois, ça ferait du bien. Je me venge sur le chocolat, à la place (mais c'est plus calorique).

La suite au prochain épisode...
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6 commentaires:

  1. Il y a plein de petits détails qui me parlent. Je lirai la suite c'est certain !

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    1. Je vais essayer de poster la suite rapidement... ma grande a repris chez la nounou cette semaine, je devrais pouvoir tenir un rythme de publication un peu plus civilisé :D

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  2. Je sens que je vais chialer ! Les récits d'accouchement, je pleure à tous les coups ! lol
    Moi jpeux te dire que j'ai eu bien mal pour les 2, pas de doutes, c'est bien moi qui les ai mis au monde !! ;)

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    1. Pareil pour elle ; bon je spoile pas, mais j'ai suffisamment douillé pour bien savoir ce coup-là que oui oui, c'est bien moi qui l'ai mise au monde celle-là :D

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  3. Ici aussi péri posée à 2, que 4h avant ça de contractions gérables, dodo toute la journée, puis j'ai poussé comme une fleur, sans rien sentir, pas un morceau d'épaule, un bout de tête, rien. C'était il y a 3 mois, un accouchement comme je l'avais rêvé. Mais même sentiment que tu décris si bien de ne pas l'avoir mis au monde, mêmes difficultés à se sentir maman, sur le coup (3h plus tard on dînait dans la chambre, sans vraiment faire attention au berceau en Plexi), et maintenant (c'est bien mon fils ?! Le notre ?! Vraiment ?! :-)... Merci pour ces mots si justes !! (Et ce super blog !) Élise (qui ne peut toujours commenter qu'en anonyme !)

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    1. Bienvenue Élise :) (j'adore ton prénom, c'était un de nos choix justement...)

      Ça été difficile avec ma grande, ça a mis longtemps. Je pense que c'est important de savoir qu'on peut ne pas se sentir mère de suite, ne pas exulter de joie à la naissance, être même complètement larguée, appeler sa psy en urgence et pleurer plusieurs mois durant parce qu'on a peur de ne pas l'aimer, parce qu'on trouve ça dur, fatigant, parce qu'on aimerait bien que ce bébé ne soit pas là, et devenir mère un jour de ce même bébé, et l'aimer, et se sentir bien, du moins mieux dans ce rôle. Ce n'est pas évident tous les jours ; mais dès lors qu'on sait que c'est possible, et que ça n'empêche pas d'être une bonne mère (pas parfaite, juste mère en fait), ça aide à déculpabiliser en partie.

      Courage (à nous deux parce que j'en ai besoin aussi en rab... !) :)

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