jeudi 16 mai 2013

Journal d'une hyperphage

 
Hyperphagie, n.f. : trouble du comportement alimentaire caractérisé par la prise, en une courte période, d'une quantité de nourriture au-delà de la normale. Elle se distingue de la boulimie par l'absence de contrôle du poids, donc l'absence de vomissements ou de pratique sportive excessive.

Bon, personne ne m'a jamais dit que j'étais hyperphage, c'est moi qui me suis collé cette étiquette un peu au pif. Je ne sais pas si je le suis réellement ; à la limite, je m'en fous. Ce qui est sûr en revanche, c'est que compulsive, je le suis. J'ai besoin de remplir, besoin d'acheter, besoin de combler. Et, surtout, besoin de manger.

Je t'en avais déjà parlé ici. La bouffe et moi sommes de vieilles, vieilles copines. La nourriture, la saine, elle, je la connais relativement peu ; on n'est pas en très bons termes. Mais la bouffe... aaah, la bouffe... Toujours là quand j'ai besoin d'elle, quand je suis anxieuse, quand je me sens vide, seule, imparfaite, incomplète, démunie, larguée, épuisée, à bout. Plus agréable qu'un cacheton ; plus disponible qu'un psy. Elle répond toujours présente, fidèle au poste, prête à faire déborder mes placards, mes hanches et ma honte.

J'ai besoin de manger. De manger mal, gras, sucré. De manger régressif. Je me sens mieux. Je me sens plus forte. Plus à même de surmonter ce qui me semblerait insurmontable autrement : le stress, les nuits hachées par les bibs, la fatigue, l'énervement, ma nouvelle vie de multipare, mes faiblesses, mes limites. Vingt-cinq ans que je fonctionne ainsi. C'est une longue histoire d'amour, tu vois. Chocolats. Pâté. Chips. Boissons gazeuses. Bonbecs. Lait concentré sucré. Farine, sucre, beurre. (Ouais. T'as bien lu.) Toasts. Crêpes. Hamburgers. Nutella. Pâte de spéculoos. Que du très, très bon ; que du très, très diététique.

Et donc, en vrai, je déteste la nourriture. Je l'exècre. Je lui en veux de me faire tant de mal, de me rendre la vie si difficile (alors qu'elle n'y est pour rien, la pauvre, faut bien admettre). Je hais cette dépendance qui me lie à elle, me rend si vulnérable à son attraction, me rend si faible. Si grosse. Si complexée. Si soucieuse. Je donnerais cher pour me lever un matin et qu'elle ne soit plus ma première pensée de la journée. Je l'aime, mais elle me fait tant souffrir paradoxalement, physiquement, psychologiquement. Je suis malheureuse après, je me dis qu'il faut que j'arrête, que je me fais du mal, que je fous en l'air mon corps. Que c'est un bonheur bien bref et tellement illusoire, ce réconfort qui repaît au moment où j'engloutis. Des années que je me dis qu'il faut que ça cesse. Des années que j'y arrive parfois, puis parfois non, que je fais le yoyo pondéral, que j'alterne périodes de disette et périodes d'orgies.

Une fois de plus, au moins la millième depuis ma naissance, j'essaie, encore, d'arrêter. Je me suis levée ce matin en me disant : "Stop." Je voudrais vivre comme ça éternellement, avec elle à mes côtés, pour me soutenir, mais je ne peux pas, je suis lucide, je ne le sais que trop. Il faut bien démarrer un jour.

Alors, une nouvelle fois, je tente. Avec toi en guise de témoin, de bonne conscience. Je sais que les premiers temps, surtout, sont difficiles ; mais passé les premières journées, premières soirées à ne pas bâffrer tout et n'importe quoi, à manger sainement, en quantités raisonnables... je sais que les bénéfices ne tardent pas, surtout lorsqu'on fait mon poids.

D'ailleurs, mon poids, je vais te le dire. Histoire de voir l'évolution, même minime (il n'y a pas de petites victoires). 115,8 kg.

Voilà, aujourd'hui, je vais essayer de manger bien. Et de fonctionner autrement qu'avec la nourriture, ma chère amie, ma chère béquille qui me manque déjà tant. Mais si tu savais comme j'appréhende cette séparation. Si tu savais !

Jour 1.
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14 commentaires:

  1. Je croise les doigts pour que cette fois soit la bonne. Je sais combien c'est difficile et comme les gens ont souvent du mal à comprendre. Je te souhaite aucun obstacle, peu de difficulté et un moral d'enfer (je me rappelle d'une amie qui m'avait dit : "j'en peux plus qu'on me dise que c'est une question de volonté ! Ils croient que je l'ai pas la volonté d'être plus mince ???" Elle avait tellement raison ! Je VEUX tellement être moins grosse !).
    kanddye

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    1. Oui, c'est exactement ça !! Les gens croient quoi, qu'on n'en a pas la VOLONTÉ ?? c'est nettement plus complexe que ça... !

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  2. Bon courage, je connais aussi cette relation perverse à la bouffe qui me bien qui me fait du mal, allez je suivrai tout ça et peut-être aussi ça m'encouragera

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    1. J'espère aussi ; je démarre tout doucement, je vais pas commencer avec un régime sec, drastique, déprimant... De toute façon, bien manger, c'est pas ça, et je n'ai pas l'intention de me priver. Je veux juste essayer de ne plus compenser avec la nourriture, sans cesser de me faire plaisir (ce serait trop dur sinon !).

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  3. Je suis de tout cœur avec toi !

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  4. Oui courage ! Moi aussi faut que je m'y mette sérieusement... mais c'est dur ici aussi ;)

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    1. Tu m'étonnes... surtout avec deux enfants, surtout quand ils nous font tourner en bourrique, dur de ne pas compenser avec autre chose !

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  5. Plein de courage dans cette bataille! J'imagine que ce doit être difficile, mais crois-moi manger sainement ça peut aussi être des bonnes choses. Dans un plat équilibré il y a mille saveurs que tu ne trouves pas dans le gras, et aussi lorsque tu passes à table avec le creux au ventre, parce que tu as faim, de la vraie bonne faim parce que tu n'as pas grignoté entre deux, qu'est-ce que tu l'apprécies ton repas! Donne nous des nouvelles, tu vas y arriver!

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    1. En fait ce qui est difficile c'est que chaque matin je suis décidée, je tiens, je fais attention, et la journée passant, la fatigue s'accumulant, l'heure de la détente approchant (après le coucher des filles), ça devient difficile de lutter... Je sais que tu as raison, il faut que je rééduque mon goût après des années de malbouffe, pas évident !

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  6. Courage ! Moi aussi j'ai tendance à compenser avec la nourriture, à certaines périodes beaucoup beaucoup même !!! Mais pendant ma grossesse j'ai pas eu faim du tout, et depuis la naissance de mon fils ben j'ai toujours pas trop faim, alors que je pensais que ça serait la période où je mangerais le plus de ma vie !! En tous cas tiens-nous au courant, et laisse-toi aussi une marge "d'erreurs", c'est pas une période facile pour toi !
    Elise

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    1. Eh ben, tu as de la chance, profite de cette absence de faim (mais nourris-toi quand même hein !!) ! Faut dire aussi qu'on est tellement prises, tellement occupées... mais y a pas, moi je trouve quand même le temps d'avoir envie de manger (c'est parce que j'ai des filles trop faciles qui me laissent mes soirées, c'est leur faute) ;)

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