jeudi 5 mars 2015

Prends tout ton temps


É. est une petite fille sage. Très sage – et non, je n'irai pas jusqu'à dire "trop sage" : un enfant n'est JAMAIS trop sage, tous les parents vous le diront (#parentssolidaires). Elle est sage, obéissante, ne fait pas d'histoires, si peu de caprices, et même si nous sommes anti-fessée/anti-tape et cie, les punitions traditionnelles ont marché de tout temps avec elle : mise au coin, grosse voix-gros yeux, etc.

M., sa petite sœur, nous a très vite mis en difficulté. Parce que ce qui marchait avec la grande ne fonctionnait pas du tout avec la petite. É. était docile ; M., quant à elle, était clairement rebelle. La mise au coin, ça la faisait doucement marrer ; quant aux autres tentatives punitives, elles se soldaient dans les hurlements et l'agressivité. Youplaboum.

Bref, il nous a fallu trouver autre chose, et fissa. C'est là que Petits diables et Je veux une tite sœur fille sont entrées en scène, avec leur éducation respectueuse. J'ai appris qu'il y avait bien mieux que la mise au coin et la grosse voix, non pas pour "faire obéir les enfants", mais pour les accompagner vers une meilleure gestion de leurs colères. Les aider et nous aider, quoi.

On a commencé à le mettre en pratique avec M., et ça a drôlement marché. Plus de cris, plus de crises. Elle était entendue, comprise, respectée, et ne ressentait plus le besoin de s'exprimer avec fureur.

Sauf que le respect n'est pas une potion magique qu'on sort quand ça nous va bien. Le respect, on le doit à tous, en toutes circonstances, nos enfants, et surtout eux, compris. Et surtout au quotidien. Et surtout quand rien ne pose problème – ou que, du moins, rien ne le semble.

"Bêtement" (on fait ce qu'on peut), nous étions un chouia moins attentifs avec É. parce que "tout allait bien" et qu'elle ne semblait pas réclamer plus d'attention, d'écoute.

Sauf que voilà, depuis quelque temps, elle s'énerve très, très vite : à la moindre contrariété, hop ! elle s'emporte, n'écoute rien, nous assène un "je veux plus que tu me parles, je veux que tu me laisses tranquille !!" en criant bien fort pour couvrir notre voix et nous empêcher de répliquer. Et ça, vois-tu, ça nous met hors de nous. Bêtement. Parce qu'on se sent "bafoués dans notre sacro-sainte autorité" (tu les vois, les guillemets, là ?...).

On est pro-éducation respectueuse, alors on sent bien qu'il faut la laisser s'exprimer, mais c'est plus fort que nous : sa réaction aussi subite qu'excessive (du moins à nos yeux d'adultes "raisonnables") nous met à cran, nous déstabilise. On "cède" un peu, mais pas trop non plus : quoi, elle nous coupe la parole, nous ordonne de ne pas lui parler, de ne pas lui réciter au moins notre sermon moralisateur ?

Alors, très connement, on élève la voix, on fait les fameux gros yeux, on essaie de "rester dignes", de conserver un quart de notre autorité que nous croyons bafouée (ignorants que nous sommes !). Nous lui parlons quand même, malgré son refus de nous écouter, parce que tu comprends, "nous sommes les parents" tout de même ! nous lui imposons de nous écouter... quitte à la maintenir physiquement face à nous pour ce faire. (Oui, bon, j'aurais voulu t'y voir.)

Plusieurs heures après, alors qu'elles sont couchées, que je suis détendue, que j'y repense calmement, une révélation m'assomme : en réalité, ce qu'elle fait là, c'est ADMIRABLE. Oui.

Du haut de ses pas encore 4 ans, elle est capable de nous dire précisément ce dont elle a besoin à ce moment-là. Elle ne dirige pas sa colère contre les autres, ni contre quoi que ce soit, ni même contre elle ou contre nous – ne tape pas, n'agresse pas, ne casse pas ; non, elle sait qu'à cet instant précis, elle a BESOIN de s'isoler et qu'on lui fiche la paix. Et elle le dit simplement, haut et clair.

Je réalise l'effort et la maturité que cela lui demande de verbaliser aussi explicitement ce qu'elle veut, et de faire valoir ce droit à avoir la paix pour que sa colère passe, au-delà de notre autorité.

Ou quand on essaie un peu de se mettre à leur place trois secondes, en comprenant qu'on n'a finalement rien à y perdre.

Ce n'est pas bien grave, au fond – not a big deal, dirait Janet Lansbury –  que nous ne puissions pas lui donner notre explication ni lui faire réparer la bêtise pour laquelle le conflit a démarré dans la seconde. Ça peut bien attendre cinq toutes petites minutes qu'elle se soit calmée, seule ou avec nous selon son besoin, qu'elle soit enfin d'humeur et surtout en état psychique d'entendre nos explications, de demander le pardon attendu ou de réparer l'incident. Ça ne fera pas de nous des parents plus "laxistes", que leurs enfants ne respectent pas ; ça ne rendra pas le discours "moins acquis". Bien au contraire. Se sentant comprise, entendue, pleinement respectée, elle ne pourra que respecter les autres, par mimétisme, parce que les enfants apprennent en reproduisant ce qu'ils voient.

"JE VEUX QUE TU ME LAISSES TRANQUILLE !
JE VEUX PAS QUE TU ME PARLES !
JE VEUX ME CALMER DANS MON LIT !!!"

Oui, ma belle. Vas-y. Prends tout ton temps. On pourra parler de tout ça au calme quand la pression sera retombée, qu'on sera tous d'accord pour s'écouter les uns les autres, sereinement, dans cinq minutes, avec respect et bienveillance. Reste toi-même, tu es tellement belle et tellement vraie, comme ça.
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mercredi 4 mars 2015

Elle, et moi


Je l'ai toujours trouvée belle, elle. Son sourire évanescent, mystérieux, indéchiffrable. L'ovale fin de son visage. Sa grâce naturelle, évidente – sans atours, sans artifices, sans mensonges. La délicatesse de ses traits fugaces, comme une apparition (salut, Flaubert) prête à s'évaporer.

Tu n'imagines pas comme je l'ai idéalisée. Comme je l'ai élevée, avec mon regard d'enfant en manque d'amour – mais qui ne le savait pas – au plus haut, au plus beau de la Maternité, avec un grand M majestueux. Elle n'était pas ma mère ; elle était La Mère. Aucune autre mère au monde ne lui arrivait à la cheville. Toutes les autres, parce que différentes, n'étaient pas vraiment des Mères, pour moi, parce qu'une mère, pour moi, ne pouvait que ressembler pleinement à ma mère. Maman. Avec tout ce que ce mot pouvait receler de sacré, de divin, d'intouchable, de magnifique.

Ce fut d'autant plus douloureux qu'elle était l'incarnation de la douceur. Cette femme-là ne pouvait qu'être mère, qu'être faite pour aimer un enfant – moi – ; impossible qu'il en soit autrement. Alors tout ce qui ne cadrait pas avec ce céleste portrait, je l'enterrais au fond de moi pour ne surtout pas y penser, pour ne surtout rien voir, rien comprendre, rien accepter.

Maman.

Je me souviens encore de cette fois où elle m'a réveillée, un matin, bien avant l'heure de l'école. Je me rappelle ma surprise, l'inhabituel de la circonstance. En silence, pour ne réveiller personne, comme des cachottières, nous avons pris nos vélos et sommes parties sur la route. Elle avait préparé du chocolat chaud dans un Thermos et nous avons acheté des pains au chocolat à la boulangerie. Nous avons pédalé jusqu'aux berges de la Seine, à 5 km de là. Je ne connaissais pas cet endroit. C'était le printemps, il faisait frais, mais le soleil illuminait toute la vallée. Il y avait des saules pleureurs partout. Et le fleuve qui coulait, tranquille. Et nous deux. C'était beau. Surréaliste. Étrange. Comme un rêve. Un roman. Une poésie fugace. J'ai parfois cru que c'était vraiment un rêve. Mais chaque fois, des années plus tard, que j'ai voulu y revenir, je l'ai toujours retrouvé, cet endroit – sans toutefois y recouvrer la lumière de ce matin-là.

J'ai cristallisé ce souvenir comme un des plus beaux de mon enfance, et je l'ai soigneusement rangé auprès de l'image lumineuse que j'avais de ma Maman.

Et puis la maladie, la dépression, la mort. Moi qui ai grandi. Compris certaines choses, deviné d'autres. Mais ça collait pas ; pas elle. Elle était trop douce, trop gentille, elle m'aimait trop. Jamais elle n'aurait eu ces mots durs à mon égard qu'on disait qu'elle avait eus. Les autres inventaient.

Et puis je suis devenue maman à mon tour. Avec une foultitude d'angoisses : allais-je l'aimer, cette petite fille, allais-je être une bonne mère, aussi bonne, aussi merveilleuse que la mienne l'avait été pour moi ? La barre était tellement, tellement haute que j'étais certaine de ne jamais l'atteindre.

Et puis le quotidien, difficile. Tous les jours, sans répit, chercher le meilleur moyen de passer le meilleur temps possible avec elle. Promenades, parc, piscine, spectacle. Peinture, pâte à modeler, toboggan. Vélo, lecture, galipettes. Câlins, discussions, réconfort. J'avais le sentiment de ne jamais faire assez, ni assez bien, ni assez drôle, ni assez intéressant, ni assez parfait. La barre était si haute.

Hier, vois-tu, nous avons pris la poussette et sommes allées nous promener, toutes les trois, sur les berges de la rivière qui coule derrière chez nous. Nous avons quémander du vieux pain à la boulangère et l'avons jeté aux canards, qui se battaient à nos pieds. C'était amusant, simple, chouette. Rien de divin, rien de merveilleux, rien d'extraordinaire. Pas de quoi s'en souvenir vingt ans plus tard.

Et pourtant... Il y a peu, la révélation. Je me torturais depuis longtemps : comment avait-elle fait, bon sang, pour que ce souvenir me reste aussi merveilleux, aussi ineffable dans le cœur ? Et moi qui me démenais comme un diable pour fabriquer d'aussi beaux souvenirs d'enfance à mes filles, avec le sentiment de ne jamais y arriver.

C'est facile. C'est facile, de faire quelque chose de merveilleux avec ses enfants, facile de les aimer, quand on ne leur consacre qu'un seul instant dans toute une enfance. C'est facile, d'être auprès d'eux sans fatigue, sans ras-le-bol, sans peine, sans doute, quand c'est la seule et unique fois. C'est facile, d'être une bonne mère, quand on ne l'est qu'un moment fugace, un jour, puis plus jamais.

J'ai compris que mes filles ne se souviendront sûrement pas de ce mardi après-midi où nous sommes allées donner le pain aux canards, perdu qu'il était parmi les mille et quelques autres après-midi où nous sommes allées, au choix : aux canards, au parc, aux chevaux, au cinéma, à la mer, au lac, chez leurs grands-parents (les autres), à la maison.

Je ne serai peut-être pas La Mère, enveloppée de cette aura inaccessible que je vénérais tant. Elles ne me vénéreront, ne m'admireront sûrement jamais, d'ailleurs. Et c'est pas plus mal.

Mais je commence à croire que je serai – pardon, que je suis, déjà, depuis bientôt quatre ans, leur mère. Celle dont elles ont besoin aujourd'hui, et non pas dans des souvenirs figés.
Et ça me réconforte quand même un peu.
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lundi 2 mars 2015

De l'amour et du respect

Cette photo-là, je la trouve jolie. Si, si, au risque d'avoir franchement l'air de me vanter, je le dis, que je me trouve belle là-dessus, parce que figure-toi que c'est pas vraiment dans mon humeur du moment, de me trouver belle sur une photo. Je me trouve belle, je la trouve belle, et ça fera un beau souvenir. Le souvenir d'une maman qui aimait sa fille à cet instant, et ses filles au quotidien.
Ce que j'espère, c'est que le souvenir qu'il leur en restera cadrera bien avec ce que cette photo-là voudrait saisir. Que je les aime. Que je les ai aimées. Que je les aimerai.

Parce qu'aussi étrange/choquant/déroutant/amoral que ça puisse paraître, je n'en suis moi-même pas toujours bien sûre.

Je crois bien que si, j'aime mes filles. Mais, vois-tu, cet amour-là, si évident pour d'autres, est caché sous tellement, tellement, tellement de conneries – des casseroles, des blessures, des complexes, des souffrances, des questions, des TOC, des vides, à remplir encore et encore.

Devant composer/compenser/compulser (barrer la mention inutile) avec tout ça, forcément, mon amour pour mes filles, simple, évident, net, spontané, est planqué loin, bien loin derrière.

Mais je suppose que je les aime, sinon je m'en foutrais. Sinon j'enverrais paître mon rôle de mère. Sinon je serais partie. Sinon je les rejetterais.

Si je ne les aimais pas, je n'essayerais pas à tout prix de leur donner cette autre chose que je me sens tenue par les tripes de leur témoigner : du respect. À défaut de pouvoir irradier d'amour pour elles, en attendant de les aimer en toute simplicité, je m'astreins, je m'efforce, je m'oblige chaque jour, chaque heure, chaque minute qui passe à leur témoigner du respect. À ne pas me conduire en adulte qui impose, mais en parent qui accompagne. À ne pas leur faire ce que je ne voudrais pas qu'on me fasse – ce que j'ai détesté qu'on me fasse, étant petite.

Non, je ne parle pas d'abus ni de maltraitance – quoique, de ce côté-là, j'ai eu ma dose ; je parle de cette "petite violence ordinaire", si petite qu'elle paraît justifiée, normale, exemplaire aux yeux de beaucoup. Ces petits mots qui piquent, pas beaucoup, une fois, deux fois ; mais qui font mal, cent fois, mille fois.

Chaque minute, chaque heure, c'est à moi que je fais violence pour ne pas les soumettre à cette violence. Chaque minute qui passe, je passe sept fois ma langue dans ma bouche pour déterminer si les mots qui vont en sortir sont, non pas justifiés, mais justes. S'ils feront du mal ou du bien. Il n'est pas nécessaire de leur faire du mal pour leur bien. On peut aussi, et même plutôt leur faire du bien pour leur bien.

Alors je ne les juge pas ; je ne juge que les actes, que la bêtise, pas l'enfant. Je me mets de côté – ma fatigue, mon stress, mon burn-out – pour être à leurs côtés. Je les écoute en stéréo – une oreille pour chacune, et je réponds toujours à ce qu'elles me disent, même si je trouve cela d'un inintérêt abyssal. Oui ma puce, t'as colorié le sapin tout en bleu, c'est super rigolo, c'est clair. Et j'essaie d'y mettre de la conviction. Et ne surtout pas leur imposer ma vision des choses, mon autorité, mes exigences. Quand c'est pas si grave, quand c'est pas si utile, j'essaie de leur ficher la paix – même si ça me demande un effort pharaonique.

Les écouter et leur répondre comme à des personnes, parce que ce sont avant tout des personnes que j'ai face à moi – un brin hystériques et un chouia pénibles sur les bords, certes ; mais des personnes tout de même. Je leur dois ce que je leur demande : du respect. Et, aussi difficile d'accès me soit-il, de l'amour, autant que faire se peut. Un jour, ça me sera plus évident, je l'espère.

En attendant, je m'épuise à donner, donner, donner, et ne pas trop exiger en retour.

Des fois je suis fière ; des fois je craque.
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dimanche 1 mars 2015

1 an plus tard...

Comme c'est étrange... Ce soir, je me demandais bien ce que je pouvais faire, pour sortir la tête de l'eau... J'ai repensé à mon blog, j'ai pensé écrire. Écrire ce dont j'avais vraiment envie, et surtout besoin. Ma grande difficulté à être mère. À savourer les moments passés (plutôt subis, pour l'instant) avec mes deux petites. À ne pas me remettre systématiquement en question, minute après minute ; à ne pas systématiquement culpabiliser de ce que je suis, ou ne suis pas, ou pas assez. Me demander sans cesse : comment elles font, les autres, pour être mères ET heureuses ? Le comprendre, en théorie, mais être infichue de l'expérimenter par moi-même. Et m'engluer, encore et encore, dans ces tourments, dans ces errances, dans ces questionnements, ces comportements douloureux.

1 an après, 30 kilos en moins, oui ; et pourtant, ce soir, comme tant d'autres avant, j'ai mangé, mangé, mangé à m'en faire péter le bide. J'ai perdu 30 kilos, et pourtant, je fais malgré moi tout pour en reprendre tout autant – en tout cas, c'est en bonne voie.

Plus envie de faire comme si, de faire la "bonne mère", alors que je me considère trop souvent comme une "bonne mèr-de". Très bonne, même.

Je ne cherche pas à distraire, pas non plus à me plaindre, pas plus à me complaire.

Je veux juste crever l'abcès, dire ce que je ressens pour de vrai là-dedans, et que ce soit lu, parce que le dire sans le dire à quelqu'un, c'est comme si je le gardais en dedans moi : ça ne sert à rien, ça suppure, ça macère, ça prolifère, ça pue.

Je ne suis pas suicidaire, et pas plus envie que ça de sauter par la fenêtre. Envie d'en finir, oui, mais avec ces conneries ; pas avec la vie.

Alors je reviens écrire, et dire ce j'ai vraiment dans le crâne. Et bizarrement, c'est précisément ce soir, que j'ai eu envie de plaquer les mots, un an jour pour jour après mon dernier message, qui se voulait drôle, qui se voulait des airs d'amuser la galerie, pour pas être celle qui disait des trucs un peu trop borderline.

J'aimerais bien essayer de parler pour de vrai, maintenant.
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samedi 1 mars 2014

Femme de musicien


Je ne sais pas si je te l'ai dit, mais je suis femme de musicien. Ça sonne un peu "la groupie du pianiste" dit comme ça mais que nenni, je te rassure : dieu que je n'ai pas l'air triste (un peu dépressive sur les bords, mais pas triste) et non, je ne suis pas amoureuse d'un égoïste (oui, elle était facile, celle-là). Je dirais même plutôt que je suis amoureuse d'un gars en or (je ne suis pas mariée à Jean-Jacques Goldman, non plus, non), le genre qui fait que je suis une sale et vile veinarde parce que des crèmes comme lui, y en a pas à tous les coins de rue. Amoureux tendre, ami infaillible, mon complice, mon compagnon d('in)fortune, mon épaule, mes bras, ma force, mon coeur. (Tu verses ta larme, avoues.) Et ce joli duo-là, il dure depuis bientôt douze ans (et deux bébés).

Oui, mais – y a toujours un "oui, mais" dans toutes les comédies romantiques, sinon ce serait pas drôle – oui mais voilà : je suis femme de musicien. G. est guitariste dans un, non deux... non, attends, laisse-moi recompter... : trois groupes. Laisse-moi t'expliquer ce que ça implique, femme de musicien (en dehors du fait d'avoir un homme adorable à ses côtés vu qu'il s'épanouit à fond dans sa passion).

G. joue dans trois groupes, donc ; en amateur, certes, mais ils prennent ça avec suffisamment de sérieux pour s'y investir pleinement. Concrètement :

– Un musicien, ça répète. Tu sais, un peu comme Nico et Crici et José et je sais plus qui dans leur garage de chez AB Productions, l'air neuneu et la musique naze en moins. Ils disent "1, 2... 1, 2, 3, 4 !" et pouf, ils jouent des trucs chouettes (d'où la différence avec Nico et ses potos) – tu noteras au passage que le musicien ne sait pas très bien compter, quand même (même ma fille sait compter jusqu'à 4).
Total = 1 à 2 soirs par semaine. Je me plains pas trop, l'homme a la gentillesse de ne partir qu'à 19 h 45, quand les filles sont baignées/repues et qu'il n'y a quasi plus qu'à les coucher.

– Un musicien, ça s'y connaît en musique (de par le fait). Alors ça rend des services (la sono du mariage de truc, un solo à l'anniversaire de bidule), et comme le musicien a généralement pas mal de copains musiciens, ça fait pas mal de sonos et de solos à droite à gauche. Le mien en plus, il fait les sonos des spectacles de fin d'année de toutes les écoles primaires du coin ; autant te dire qu'entre les répètes des mouflets et les spectacles en eux-même (compte à chaque fois une journée de mise en place), ça l'occupe un brin.
Total = 7 à 10 journées par an, de février à septembre. Tu me diras : ça va, sur 365 jours, y a de la marge encore. OK, mais je me plains si je veux, d'abord.

– Un musicien, surtout, ça joue, de préférence devant des gens (on appelle ça communément "un public"), de préférence dans un Zénith ou, à défaut, dans un bar ou un camping du coin. Et c'est là que le bât blesse (le bât, parfaitement, oui). D'une, parce que sache-le (attention, je vais te révéler les arcanes du showbiz, jeune padawan), le musicien ne se pointe pas 5 mn avant le show la bouche en coeur et la guitare à l'épaule (et il ne repart pas non plus 5 mn après la fin dans une limousine avec chauffeur). (Enfin, en tout cas, le musicien de province ne fait pas ça, lui.) Le mien, il :

1/charge son matos dans son monospace Citroën (après avoir enlevé les deux siège-auto des mouflettes) ;
2/ rejoint ses potes musiciens pour charger le reste du matos dans le reste de place de son monospace Citroën ;
3/ installe son matos tout seul comme un grand parce que de toute façon y a personne d'autre et que le technicien/l'ingé son/le roadie/le commis aux cafés, c'est lui ;
4/ fait ses balances (comprendre = commence déjà à faire mumuse avec ses copains et sa guitare alors que c'est même pas encore l'heure du concert) – le musicien a le médiator qui le démange ;
5/ mange. Et boit aussi. Un bon concert commence par une bonne boustifaille entre potos ;
6/ joue de la musique (ah ben c'est pas trop tôt). Entrecoupée de quelques entractes bières (point trop n'en faut). Jusqu'à pas d'heure (approximativement entre minuit et 6 heures du matin) ;
7/ prends un repose bien mérité après avoir perdu dix litres de bière de flotte sur scène (comprendre = il reprendra bien une petite bière pour fêter ça) ;
8/ recharge tout dans son monospace (Citroën, si t'as bien suivi), et rentre enfin retrouver sa chère et tendre (qui roupille comme un monospace).

En gros, ça nous fait une belle tranche horaire 14 h-2 heures du mat'.

Ça, c'était le "d'une".
Parce que le "de deux", c'est le total, mes amis (t'es accroché à ta chaise ? parce que moi non) : une bonne trentaine de concerts. Par an, certes (ça te paraît ridiculement peu, je sais) ; mais condensés sur la saison printemps-été, à raison parfois de deux à trois jours de suite. Surtout en juin-juillet-août à vrai dire (forcément).

Parce que la femme du musicien, figure-toi que pendant ce temps, elle, elle fait du baby-sitting (si elle a des enfants bien sûr, ou des chats).

J'aime mes choupinettes, mais je ne suis pas ce genre de maman qui raffole de passer tout son temps libre (tout son temps, à vrai dire) à ne faire que changer des couches, jouer aux cubes et passer 58 minutes à refaire la même grimace ou cabriole – tout en gérant la maison (Wonder Woman). Et enchaîner sur mes minettes jusqu'à 21 heures passées après une journée de taf dans les pattes, ça m'épuise un brin.

J'aime mon type, j'aime qu'il ait sa passion, je le laisserai toujours s'épanouir dans sa musique, à plus forte raison parce qu'il n'en abuse jamais, qu'il veille à ne pas enchaîner trop de concerts, à limite les répétitions l'été, et qu'il n'est jamais rentré beurré, jamais jamais. Et parce qu'il est le premier, en contrepartie, à me pousser à sortir le reste du temps pour en profiter moi aussi.

Mais quand le redoux s'annonce... quand le printemps se pointe timidement... quand le soleil devient plus chaud, qu'on remet doucement le nez dehors... moi, je sais que cela annonce plus que ça.

Ça annonce la saison musicale – et femme de musicien (ou de tout ce que tu veux qui est chronophage) avec mes deux bébés (d'amour) sur les bras, crois-moi, c'est pas une synécure !

(Vivement c't'automne...)
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mercredi 26 février 2014

Salut, tu-vas-bien ??

Comment je vais donc, depuis ma petite crise existentielle d'il y a un mois ?...

Je ne sais pas bien. En fait, couper les ponts avec tout le monde m'a fait du bien, beaucoup de bien, sur le coup. J'aimerais avoir des contacts avec les autres, j'aimerais avoir des amis, en recevoir, des gens avec lesquels je me sente bien – ce qui est loin d'être gagné, vu que je me sens déjà pas hyper top moumoutte avec moi et rien que moi-même. J'aimerais, oui ; mais je ne peux pas. Je ne suis visiblement "pas faite pour". J'ai eu trente ans, et je n'ai connu que des désillusions affectives et sociales. Je n'ai pas su aimer ni me faire aimer par qui que ce soit. L'ego en prend un petit coup, c'est vrai. Je devrais m'en fiche, je devrais vivre pour moi-même, ma famille – mon homme, mes filles – mais je pense souvent, très souvent, que je n'intéresse personne, et ça me fait pas du bien. Alors je rentre plus encore dans ma coquille.

Il y a trois semaines, je bossais sur un bouquin de méditation, juste au moment où je piquais ma crise. Un texte fluide, coulant, simple, sans fioritures, qui me passait du baume sur ce qui me faisait mal, sur ma blessure d'orgueil aussi. Qui m'a donné envie de prendre la vie du bon côté, envie d'être enfin positive, de cesser de ressasser, cesser de jouer les Caliméros. D'une parce que c'est chiant pour les autres ; de deux parce que c'est chiant pour moi. Et curieusement, j'ai plutôt pas mal réussi. Apprendre à vivre dans l'instant, à ne pas se soucier du passé, de l'avenir. Ne pas appréhender, ne pas angoisser à l'avance. Me débarrasser du négatif, et surtout, surtout, ne pas rejeter sur les autres tout ce qui ne me convient pas dans ma vie.

Ma dernière a fait une pyélonéphrite la semaine dernière, une infection urinaire qui avait commencé à remonter aux reins (je te rassure de suite : elle va bien, c'est guérit). Une semaine de forte fièvre + une hospitalisation de trois jours. En temps normal, j'aurais stressé à mort, gueulé à l'injustice, pensé à tout ce que j'allais pas me reposer ni me détendre avec tout ça. Mais je l'ai pas fait. J'ai pris les choses comme elles venaient, les épreuves les unes après les autres, en me concentrant sur ce que j'avais à faire (prendre soin de ma fille, garder la patate, l'aider à guérir au plus vite, ne pas inquiéter mon homme, et gérer, gérer le plus paisiblement possible).

Et puis j'ai réussi, dis donc ! Ma fille, en plus, étant d'une humeur adorable, toujours le sourire, toujours la pêche, soudée à moi, câline comme pas deux et pas abattue pour un sou, j'ai vécu cette hospitalisation comme une douce parenthèse, une petite bulle de repos, durant laquelle nous avons énormément partagé, elle et moi.

(Faut que tu saches une chose : si j'ai si bien vécu l'affaire, c'est en partie grâce à ma volonté de rester positive, mais aussi parce que, depuis deux mois, je ne laisse plus la nourriture commander ma vie. Et j'ai perdu 8 kilos et 2 tailles de jean – en plus du fait de ne plus ressentir le besoin de compenser à la moindre contrariété. Ça aide.)

Et puis le retour au quotidien, épuisant pour ma part – boulot à temps plein, les deux minettes, la maison. Toujouts-toujours-toujours un truc à faire – peu de repos. C'est la folie. Toujours une chose à penser, à ne pas oublier. Les courses, une facture, un colis, un avis de passage, une lessive, une poubelle à vider. Toujours un pot à vider, une couche à changer, un bib ou vingt purées à préparer d'avance. Et du boulot en continu, de 8 h 30 à 17 heures. (Si je veux voir le positif, j'ai une vie bien remplie dans laquelle je n'ai pas le temps de m'ennuyer !)

J'ai toujours, toujours la tête dans le guidon. Je suis fatiguée.

Du coup, je n'ai pas envie de m'occuper de mes filles. Je te le dis, en toute franchise (je suis une vilaine, vilaine maman). Après la douce intimité avec ma petite dans notre chambre d'hôpital, où je n'avais rien à faire hormis échanger des sourires avec elle et nous reposer, je n'ai plus envie de rien. Pas envie de lire 35 livres tout le temps (et pourtant ma grande, comme je suis fière que tu aimes autant la lecture !!), pas envie de surveiller sans cesse que la petite ne s'éclate pas le coin de l'oeil sur le coin de la table, pas envie de faire tomber une tour de cubes pour la quinzième fois, en simulant un grand rire enjoué.

J'ai un beau et gros fond de déprime à la base : je n'aime ni le soleil, ni l'été, ni les week-ends, ni les vacances, encore plus depuis que je suis maman. Ces journées entières à devoir chercher à les occuper. (T'as envie de me demander pourquoi donc j'ai fait des gosses, hein ? C'est légitime.) Comprends : je les aime, mais je suis trop fatiguée, trop déprimée pour avoir envie de quoi que ce soit.

Je pense aux vacances d'été, seuls tous les quatre pendant quatre longues semaines. Je suis une mauvaise mère, hein ? mais ça ne me fait pas envie. (Je ne sais pas bien de quoi j'ai envie, en fait.) Je voudrais au moins voir du monde, recevoir des amis, avec des enfants, pour qu'ils jouent tous ensemble, même pour elles, ce serait tellement plus plaisant que de jouer à longueur de temps avec papa-maman.

J'ai envoyé des invitations – à des amis, à de la famille. Et tu sais quoi ? Aucun ne m'a répondu. Je dois être parano de la politesse, mais c'est le truc inconcevable pour moi. Que t'ai envie de décliner, je le conçois tout à fait (tant j'ai le sentiment de rebuter les gens, tant ça me semble naturel), alors tu brodes, t'inventes une excuse bidon. MAIS TU RÉPONDS. Je serais totalement incapable de ne pas répondre à une invitation, même si c'est pour la refuser. Je trouverais ça blessant, méprisant pour l'autre – et crois-moi, ça l'est.

Je suis blasée, fatiguée. Je voudrais être joyeuse, écrire des super articles top joyeux, d'une plume affûtée et comique, le genre de trucs qu'on a envie de lire. De toute façon je n'écris plus ici que pour vider mon sac, à un endroit où ce sera le moins susceptible d'emmerder les autres, puisque je ne les connais pas.

Ah là là... je suis dans un cercle vicieux dont je n'arrive pas à me dépatouiller. J'en ai marre de faire semblant que tout va bien ; pourtant, il n'y a que comme ça qu'on donne envie aux autres de s'intéresser à vous.

Je voudrais juste faire des rencontres, découvrir des gens, lier des amitiés, entre nous, entre nos enfants, passer des vacances avec de bons copains ou de la famille que j'aime (ce que je ne connais pas, si tu me suis bien, vu que je n'ai plus aucun contact avec qui que ce soit de ma famille ; et ce n'est pas de mon fait). Je voudrais juste de bons moments avec des gens sympas, mais je crois que c'est trop demander.


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vendredi 7 février 2014

Mon petit suicide (et pas : petit-suisside)

Il ne doit plus y avoir grand-monde, par ici. Pas grave.

Hier, je me suis petit suicidée. J'ai pas avalé des médocs, j'ai pas fait des misères à mes veines, je me suis pas jetée d'un pont. Mais c'est pas tellement mieux, pas tellement moins douloureux : j'ai fait un petit suicide social. J'ai supprimé tous mes contacts de mon carnet d'adresses, et de Facebook (ou presque, je n'ai gardé que la famille, par obligation).

S'il y en a parmi eux qui passent par là, et qui s'étonnent, ou s'offusquent que j'aie pu les "jarcler" de ma vie, il n'en est rien. C'est pas contre eux, c'est pas que je les apprécie pas ; c'est moi que je n'apprécie pas, moi que je ne peux pas, ne veux pas montrer au monde. J'ai toujours le sentiment de n'avoir rien à offrir, rien à proposer d'intéressant. Toujours parano je suis, toujours à penser que les autres me jugent, me trouvent nulle, n'ont pas envie de me voir. Et, qui sait, c'est peut-être vrai. Je suis, enfin je crois, pas très aimable, pas vraiment appréciable. C'est ainsi que je me vois.

Ça fait des années que je cours après les gens, que, comme tout le monde, j'ai envie de relations, d'amis, de partage, de communication, sauf que je ne suis pas douée pour ça. Pas douée pour me faire apprécier, vu que je ne m'apprécie pas moi-même. Toujours l'impression de ne jamais savoir y faire avec les autres.

Alors j'abandonne, régulièrement. Les gens doivent me prendre pour une foldingue – y a du vrai – à quitter les groupes, y revenir timidement, virer mes contacts, les rappeler de nouveau quelque temps après. Je suis changeante, parce que je suis tiraillée entre mon besoin, somme toute assez normal, de vivre, d'être heureuse, de voir du monde, d'apprécier et d'être appréciée en retour ; et mon vide existentiel, l'impression tellement pregnante que je ne suis rien, que je ne vaux rien, que je ne présente ni suscite aucun intérêt pour personne – et que je suis repoussante, par-dessus le marché. C'est pas que je veuille être chiante ! comprenez-moi. C'est juste que je ne vais pas très bien.

Mais je comprends que, pour les autres, ce soit du pareil au même. Les gens qui se plaignent tout le temps, qui ont besoin des autres, qui ne sont jamais positifs, qui vont mal, oui, c'est chiant. C'est malheureux à dire, vu qu'ils souffrent, mais c'est chiant. Je suis chiante, je vais pas vous dire le contraire.

J'aimerais être souriante, toujours positive, aimer la vie, aimer ma vie, être altruiste, aimer profondément les autres, ne pas ragoter, ne pas manipuler les autres ; j'aimerais être tellement pleine de vie, tellement joyeuse, tellement AIMABLE que les autres apprécieraient ma compagnie.

Mais je peux pas, j'en suis désolée, désolée pour mon homme, à qui j'impose beaucoup trop de choses, désolée à tous ceux que j'emmerde (et je vous jure que je vous comprends, même si je n'y peux rien changer). Je peux pas, j'essaye de faire semblant que je vais bien, que je suis forte ; mais c'est pas vrai, je suis pas forte, je vais pas bien. Je hais le bonheur, je hais le soleil, je hais les belles choses, que je ne sais pas voir, PARCE QUE JE NE VAIS PAS BIEN. J'essaie pas de me trouver des excuses ; j'explique, juste. Les gens qui vont mal, c'est super, super chiant. Mes parents sont allés mal toute leur vie – et ont fini par se suicider en beauté – et je suis bien placée pour le savoir : c'est CHIANT. C'est chiant, mais, sachez-le, ils font pas exprès pour vous emmerder, les gens qui vont mal. Ils appellent juste un peu à l'aide, bon an mal an, du pire qu'ils peuvent, parce que c'est toujours maladroit, toujours inapproprié.

Les autres ne me parlent jamais de leurs problèmes – en ont-ils ? – et j'ose à peine aborder les miens. J'ai l'impression que cela gêne, parce qu'ils ne savent pas quoi répondre, quoi dire, quoi faire.

On ne vous demande pas de nous trouver des solutions, non. Juste une oreille, une écoute, et de la compassion, surtout. Un truc qui nous permette de pas nous sentir trop en marge, parmi tous ces autres qui eux, vont bien, qui eux, ne sont pas chiants, n'emmerdent pas le monde.

C'est pas un message pour demander aux gens de s'occuper de moi, même si ça y ressemble.
C'est juste pour leur dire pardon pour celle que je suis. Pardon d'être chiante, pardon si je vous vexe, si je vous semble bizarre, dérangeante, aigrie, négative. Pardon. La dernière chose au monde que je veuille, c'est déranger – et qu'on ne m'aime pas.

Pardon les gens. Je ne suis pas hautaine, même si j'en ai l'air et la chanson. Je ne méprise personne (à part moi, profondément). Quand je vire les autres, c'est parce que, moi, je n'ose pas m'afficher à eux. Alors je reste seule. Je me dis que c'est mieux comme ça. Quand je ne vais jamais les voir, quand je ne participe à aucune rencontre, quand je ne réponds pas aux invitations, ce n'est pas que je n'en ai rien à fiche. Mais c'est que je n'ose pas, que je ne peux pas, que je m'accepte si peu que demander aux autres de m'accepter m'est impossible, improbable.

Je demande pas de l'aide – personne n'y peut rien, à part moi –, je demande pas de la pitié ; je demande juste de la compréhension. De pas me juger trop mal, c'est tout.

Si ça se trouve, des tas de gens ressentent ces choses. Doutent d'eux-mêmes. Ne s'aiment pas. Ont peur de se montrer. Ont du mal avec les autres, ou plutôt avec eux. Mais personne le dit. Pourquoi vous le dites pas ? J'ai l'impression d'être si seule, et anormale.

Pardon de déranger, pardon de pas rentrer dans le moule de ceux qui vont bien – comme je les envie.
Je voudrais pouvoir dire, à tous les gens qui peuvent ou ont pu me trouver pénible, que c'est pas vraiment moi, ça. Que si j'allais bien, je serais pas comme ça, j'vous jure. Que j'aimerais rentrer dans le moule, moi aussi ; et pas déranger, pas dénoter.

Ou alors je suis juste complètement pas faite pour les relations humaines.

C'est possible, ça ? C'est triste, non ?

PS : le pire, c'est que voilà un mois que j'ai arrêté mes crises boulimiques. – 7 kg. Le pire, c'est que j'ai enfin enrayé l'un des plus gros tracas de mon quotidien – la bouffe – au point de ne plus avoir envie de manger du tout quand je vais mal. Le pire, c'est que j'ai combattu ça, mais que tout part à vau-l'eau pour TOUT le reste et que, donc, je me petit suicide. Paradoxe mon ami.
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mercredi 1 janvier 2014

Ces derniers temps

Je reviens donner quelques nouvelles, donc, pour celles notamment qui ont répondu présentes, la dernière fois, quand je revenais après cinq longs mois d'absence voir s'il y avait quelqu'un par ici, quelqu'un pour me laisser dire combien j'en avais ras les pattes, combien j'étais fatiguée, essorée jusqu'à la moëlle par cette année 2013, riche en des tas de trucs, des trucs tellements bien, genre la naissance de ma seconde, genre l'amour de mes deux amours de filles, genre ces moments en famille, pour de vrai, ces dimanches, ces vacances, ces repas à quatre à rigoler comme des baleines et à faire des grimaces...

Puis des trucs un peu moins cool aussi, des moments difficiles, rien que de très normal quand on est parents, qui plus est d'enfants rapprochés ; la fatigue n'est que de la fatigue, mais n'en est pas moins de la fatigue, avec ce qu'elle peut entraîner de moral dans les chaussettes et d'envie de se tirer une balle, parfois.

(Je caricature un peu, hein ; mais quand même, j'en étais pas bien loin, au bout de mon rouleau, parfois.)

La fin d'année, surtout, a été complexe... on connaît tous ça, l'enchaînement des maladies, en fait, surtout. La grande qui fait une otite à droite, la petite qui se colle une rhinite, la grande qui attaque l'oreille gauche (avec vomissements, sinon c'est pas rigolo), la petite qui nous cumule un combo poussées dentaires + otites (à son tour)... Disons que depuis deux mois bien tapés, on tabasse du sérum phy à tout va, on shoote au Doliprane, un coup sirop, un coup suppo, on dope au Coquelusedan mon ami, et Vogalène dans tes fesses – notre canapé a souffert, beaucoup souffert. Le bicarbonate est notre plus grand copain depuis peu (et le Febrèze aussi).

Bref, en somme, rien de grave, rien de dramatique ; mais de la maladie infantile comme on l'aime, et puis à la chaîne. Ce qui nous donne une mini râleuse puissance douze et des nuits de merde.

Tu rajoutes à ça, en vrac et au choix :
– nous deux blindés de taf (à me lever à 5 heures du mat' certains jours pour rattraper le retard) ;
– mes propres ennuis de santé (mes voies biliaires ont décidé de rentrer dans la danse, je ferais une "cholangite sclérosante", sauf que c'est même pas encore sûr et que d'abord je sais même pas ce que c'est et qu'en plus cette enclume de gastro-entérologue a le bon goût d'être en vacances. Est-ce que mes voies biliaires sont en vacances, elles ? pas que je sache) ;
– mes casseroles de toujours, diverses et variées (TOC, bouffe compulsive, confiance en moi proche du néant, complexes à hauteur d'Éverest, culpabilité maternelle puissance mille, et cie) ;
– etc., etc., etc., ce qui en dit bien long.

Bref. Je suis rentrée dans ma coquille, j'ai haï le monde entier et sa périphérie pour tous les tracas, somme toutes asssez banals, qui m'oppressaient, je me suis détestée aussi pour pas être en reste (mais ça c'est pas nouveau), et j'ai beaucoup pleuré sur mon sort, parce qu'être Cosette, c'est dans ma nature.

Je sais, ma psy aurait sacrément du boulot avec moi ; oui mais voilà, j'ai arrêté il y a de ça près de six mois, et je ne regrette pas. Plus envie de chercher, parler, comprendre ; pas même envie d'arranger les choses. C'est comme ça que je fonctionne.

J'ai trente ans dans trois semaines ; qui sait, j'aurai peut-être THE déclic, le truc qui te fait prendre la vie du bon côté jusqu'à la fin de ta vie tellement tu es reconnaissant envers la vie.

J'ai pas très envie d'emmerder mes proches et ceux que je connais avec ça ; quant à ma famille, chère famille, elle est inexistante (parents suicidés, frères et soeurs qui se tirent la tronche) ; alors il ne me reste plus guère qu'ici où je puis venir déposer mon petit tas de poubelles odorantes qui me pèse chaque jour. Désolée, les amis ; ici, je vais être chiante, morose (enfin, le plus clair du temps) et négative à fond les ballons. Au moins vous êtes prévenus.

Sinon, mes filles sont belles, grandissent à mille à l'heure, et si elles me collent sur les rotules, elles m'émerveillent tout à la fois : la petite, du haut de ses 8 mois et demi, arpente la maison de long en large, assise, couchée, debout, à quatre pattes et j'en passe ; la grande, du haut de ses 2 ans et demi, nous flingue avec son humour, son imagination, ses réparties bien senties, sa mémoire et sa logique, la beauté et la richesse de ses bons mots... "Bonne nuit Maman et Marion", "Ouf, l'a échappé belle !", "T'as vu Maman, moi dit flûte, moi pas dit 'merde'" – oui, parce qu'il m'a échappé un jour, et ce fut la fin des haricots, alors je répare les pots cassés comme je peux... Le pire, c'est qu'elle me fait fondre tout chamallow, quand elle dit : "Oh non m-e-r-d-e" en articulant chaque lettre avec sa voix de petit chat...

Voilà ; du très basique, je vous l'avais bien dit ; mais je vous devais bien des nouvelles. Ça fait du bien de vous savoir de l'autre côté en cas de besoin :)

Finalement, de 2013, paradoxalement, alors qu'avant-hier encore, je lorgnais sur la fenêtre pour m'y jeter après la énième nuit de chiottes, passé le 31 minuit, ne me restait qu'une chose : l'idée que 2013 était l'année où ma seconde fille avait vu le jour, où notre duo joli s'était formé, où notre famille s'était complétée, renforcée, et l'idée, rassurante, que bien que mortellement lessivée, mes filles, vivent, grandissent, s'épanouissent, rient et sont heureuses, et que mon job, je le fais pas si mal que ça, malgré les obstacles.

Sur ce, donc, une belle, très belle, très très belle nouvelle année à tous... Les orages passeront, ne restera que le meilleur, pour sûr.

De douces pensées – positives pour une fois ! – à tous en ce premier janvier 2014 !


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mercredi 25 décembre 2013

Cinq mois...

Ça fait quelque temps, déjà...

Je ne sais pas s'il y en a encore qui me suivent par ici – sûrement pas, vu mon absence, et ma foi ce n'est pas très grave. J'écrivais pour être lue, et appréciée, il y a cinq mois de ça ; là, je vais (peut-être) reprendre le clavier pour me vider – et être lue, parce que j'ai besoin de compassion anonyme, bienveillante, même si ce n'est que virtuel.

C'est tout pour aujourd'hui... la petite dans mon dos va se réveiller, faut lui donner à manger....

Les temps sont durs, le moral est à la pluie, au ciel bas et lourd comme dirait l'autre.

Je vais me plaindre, beaucoup, jérémier à fond les ballons, et si ça en ennuie, qu'ils passent leur chemin. Plus envie de chercher à plaire à qui que ce soit.

Quant à ceux qui seraient encore de passage, eh bien salut, et merci d'être encore là.

La suite quand je trouverais du temps, un peu, un tout petit peu de temps pour moi, et pas uniquement pour mes filles, mon travail ou ma maison...
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samedi 27 juillet 2013

Des livres #3

Après avoir nettoyé mon canapé tout neuf en long, en large et en travers pour cause d'accident de pipi (vie passionnante, toussa), je trouve un peu de temps (comprendre : trois minutes) pour venir vous parler des autres livres qu'on aime bien, par chez nous.

Y en a pour les petits, pour les moyens et pour les plus grands, mais pas encore très grands (ça vous aide à mort).

Hop-là c'est parti ! (comme dirait ma fille)


Mon grand imagier à toucher, de Xavier Deneux
Milan éditions, 17.96 €, ici.
Âge : dès 6 mois.

Bon, alors il est pas hyper bon marché. Mais. D'une, ne l'achète pas d'occasion : c'est un imagier "à toucher", donc, avec des tas de textures et de matières à tripoter. Il s'use vite, avouons-le, et d'occasion, ce serait vraiment pas jojo. Il paraît un peu chéros vu comme ça, mais il vaut son prix : grand format, 12 doubles pages classées par thèmes (les animaux, les vêtements, les fruits et légumes, les moyens de transport, le dodo, etc.) avec, à chaque page, des matières à toucher en fonction des animaux/objets dessinés (fourrure pour le loup, coquille pour l'oeuf, jean pour le pantalon, gratounette pour l'éponge, écailles pour la tortue...). Il y a beaucoup d'animaux différents (à fourrure, à plumes, à écailles, à poil ras, à peau) ; en bref, il y a beaucoup à voir, toucher, apprendre, et les dessins sont adorables. Ma grande l'aime depuis ses 8 mois, et le lit encore à 2 ans passés. Tu fais le compte : dix-huit mois de lecture, ça va, on a rentabilisé nos 17.96 € !

NB : j'ai dit "il s'use vite", et oui les pages sont un peu cornées, un peu abîmées sur les entournures ; mais avec tout ce que ma grande l'a lu, il est toujours vaillant, et rien n'est parti en sucette, donc faut-il que je te le répète ? fonce l'acheter, nomdidjiou.



 
Mon imagier de... – 400 photos pour apprendre ses premiers mots
Milan éditions, 13.21 €, ici.
Âge : dès 1 an.

Alors là, le must du must du top du it book. Un de mes nos gros gros gros coups de coeur : vraiment, vraiment pas cher – parce que le bouquin, sache-le, fait pas moins de 108 pages (pince-toi, tu rêves) ; 108 pages plastifiées, donc indéchirables et lavables à l'infini et au-delà (ça aussi, un livre éternel, ça rentabilise vachement le truc, faut admettre), et surtout, surtout, des pages BLINDÉES de PHOTOS. Et c'est ça LE truc absolument génialissime : c'est un imagier de vraies photos. Et je trouve ça fantastique : quoi de mieux pour apprendre les mots que de voir les vrais objets, les vrais animaux, les vraies situations ? Le concept m'a fait fondre, et en plus, y en a plusieurs volumes (la vie de tous les jours, les transports, l'école, les animaux, etc.). Y a tous les thèmes possibles et inimaginables, et même nous, on apprend des trucs, des animaux avec des noms à coucher dehors. On sort du classique imagier "voiture – ballon – maison – chat – pain" pour un vocabulaire et des images d'une grande richesse. À prendre les yeux fermés, sans blague.

(Ma grande a déjà celui de tous les jours et celui des animaux ; son trip en ce moment est de lire la page des abeilles et des fourmis pendant deux plombes. Elle qui aime les machines en tout genre, si on lui offre celui des transports à Noël, elle va nous faire un arrêt cardiaque de la joie, obligé.)




Collection Mes p'tits albums
Éditions Auzou, 5.66 €, ici.
Âge : dès 18 mois.

Aaaah, les p'tits albums Auzou... Qui ne connaît pas encore Loup, le VIP de la collection des p'tits albums ? Le loup qui voulait changer de couleurs, le loup qui cherchait une amoureuse, le loup qui voulait faire le tour du monde... Une très belle et très riche collection de livres petit format, souples et fins, donc faciles à lire pour les enfants, avec des illustrations superbes (comme tu peux le voir ci-dessus d'ailleurs), et des jolis textes sur les thèmes classiques (la famille, l'amitié, la tolérance, la patience, l'aide, la confiance en soi, le partage, etc.), sans morale trop appuyée, juste ce qu'il faut pour aider les petits à comprendre certaines situations qu'ils découvrent – des situations de la vie de tous les jours, ou pas. Des histoires légères, mignonnes et drôles, je précise, et des personnages attachants. Textes ni trop longs, ni trop courts, juste ce qu'il faut pour l'histoire du soir ! Et puis là encore, c'est une collection, alors je me jette dessus, forcément ; puis ils sont pas chers pas chers, quoi. On en a déjà quatre ou cinq, et on les aime tous.

(Et puis, ne le répète pas, mais j'ai travaillé sur certains, alors ils sont forcément bons, nan ??)
#vachementobjective


C'est tout pour ce soir (et c'est déjà pas mal, hé ho), j'en garde un peu dans ma besace pour la prochaine fois.

Et comme dit le proverbe : le samedi, c'est sushis !
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