jeudi 2 mai 2013

Je n'avais pas réalisé


Jusque-là, je trouvais ça plutôt facile. Enfin, "facile", en matière d'enfants, tout est relatif ; je veux dire : plus facile que ce que je croyais. Je trouvais qu'on s'en sortait plutôt bien. Qu'on était pas mal dans le job de parents jongleurs entre deux demoiselles d'âges rapprochés. Toi la grande, moi la petite, toi la petite, moi la grande. On alternait les bains, les couchers, les câlins, les moments à deux ou à quatre. On n'osait pas trop se dire qu'on était bons, voire meilleurs que d'autres, maiiiiis... presque. Du moins on se disait qu'elles étaient faciles à vivre et que c'était une chance.

Jusqu'à ce matin. Jusqu'à ce que le "on" devienne "moi". Jusqu'à ce qu'il reprenne le boulot, et que je réalise soudainement que je n'avais encore rien réalisé.

J'avais un premier enfant, je me disais : "C'est bon, maintenant, je sais." Je me disais : ce sera pareil, en deux fois plus de travail, oui, mais gérable, quoi. Y a pas de raison. Fastoche. Ou presque.

Affolant comment la maternité/la paternité a cette incroyable faculté de fiche de somptueuses claques dans la tronche de nos théories, de nos principes et de nos a priori. Étonnant comme on se surprend finalement à n'être que de perpétuels novices en la matière, malgré toute l'expérience qu'on puisse accumuler. (En l'occurrence, je découvre, moi, que je n'en avais aucune, vraiment.)

Nullipare vs. primipare vs. multipare = trois côtés obscurs de la Force que, contre toute attente, TOUT oppose.

Je n'avais pas réalisé.
Je n'avais pas réalisé qu'à un moment donné, je n'aurais pas assez de bras. Je n'avais pas réalisé que je me poserais des questions cruciales comme : je réveille la petite ou la grande en premier ? je couche la grande ou la petite en dernier ? Avec l'impossibilité de laisser la grande seule puisqu'elle est encore bien petite ; et donc l'obligation de laisser la petite-petite brailler tout ce qu'elle peut tandis que j'expédie le bain/le dodo/le réveil de sa soeur.

Je n'avais pas réalisé que je n'aurais plus le contrôle de mes horaires. Que si dans l'utopie j'espérais être à 8 h 30 chez la nounou, dans la pratique c'était sans compter la petite qui renvoie son bib de 7 heures, la grande qui veut aller au pot, l'écharpe que je galère à installer, le petit déj avalé trop lentement, la douche prise en quatrième vitesse entre mon homme et mes filles.

(Et encore, pour l'instant, je n'ai pas repris le travail. Ouch.)

Je n'avais pas réalisé que j'allais devoir sacrifier certains moments avec ma grande, ou du moins sacrément les raccourcir. Je me disais : elle accepte sa soeur, elle l'aime déjà ; c'est parce qu'on passe beaucoup de temps avec elle. On est bons, quand même. Comment font les autres pour ne pas y arriver ?... (Oui, je jugeais, un peu.)

Mais je n'avais pas réalisé. Que moi aussi, j'allais y venir. Que deux enfants, c'était plus, bien plus qu'un enfant fois deux. Je n'avais pas réalisé que j'avais une grande encore trop petite pour rester sagement près de moi, sur le trottoir, au pas ; une petite encore trop minuscule pour faire autre chose que parfois hurler pendant une demi-heure. À moins que je la berce en marchant, sans m'arrêter, tout en lui massant le dos et en lui murmuant "chuuuuuuuut" d'un ton calme et patient. Sans savoir quoi faire de son aînée, pendant ce temps.

Je n'avais pas réalisé, enfin, que j'y perdrais ma tête. Moi si contrôlée, si attentive à tout, si organisée, je me mettrais à oublier tout et n'importe quoi, à foirer, à échouer, à zapper, obligée que je suis de me couper en deux et les mains, et la tête. Je n'avais pas réalisé qu'un jour, j'oublierais de passer la ceinture autour du cosy. Que je laisserais ma grande cinq minutes seule à table avec le grille-pain branché à côté. Que ma petite tomberait du transat sur le carrelage de la cuisine parce que je n'ai pas anticipé les élans de sa soeur. Que je serais tellement cisaillée entre les deux que ma petite vomirait dans son lit sans que je m'en rende compte et que j'oublierais ma grande sur sa chaise haute, harnais détaché bien sûr.

Je n'avais pas réalisé et, d'un coup, je réalise. Moi qui croyais savoir, je réalise que je ne sais pas grand-chose. Que je suis finalement relativement incompétente, totalement ignorante en la matière. Je n'avais pas réalisé que ce serait difficile une deuxième fois.


Je ne regrette pas. Mais non, vraiment, je n'avais pas réalisé.

Sinon, j'ai mon RDV psy ce soir. Ça tombe plutôt bien.
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11 commentaires:

  1. Bon courage pour tout,
    ne désespère pas, pare au plus urgent, en plus quand tu penseras avoir trouvé une méthode pour gérer, il va y avoir un imprévu, ou une évolution naturelle d'une de tes puces, qui fera que tes certitudes seront de nouveau ébranlées.
    On apprend chaque jour qu'on ne sait rien, et on réapprend le lendemain
    C'est la routine qui pourra nous aider un peu... (et le chocolat bien sur!!)

    mes 2 premiers ont 20 mois d'écart...une chose qui m'a énormément aidé c'est celle ci :
    Je sais que tu n'allaites pas, je te raconte juste mon experience, au cas où tu y trouves une toute petite aide.
    Donc j'allaitais mon bébé dans le fauteuil à côté de la bibliothèque, ou je l'avais dans mes bras pour le calmer longtemps longtemps longtemps, et pendant ce temps, de ma main libre, je lisais des histoires à ma puce quasiment toute la journée.
    Ma chance est qu'elle était très demandeuse de lecture, et comme ça, tout le monde y trouvait un peu son compte
    Quant à moi, j'ai du prendre ma 1ere douche au bout de 6 mois... j'exagère un peu...quoi que...

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    1. Je redécouvre d'une ce que c'était qu'un nourrisson (genre la bercer en parcourant la salle d'attente du doc de long en large pour calmer ses hurlements... ou l'entendre faire des drôles de bruits dans le cosy en conduisant mais ne pas pouvoir vérifier si ça va parce que le cosy est derrière dos à la route... ça ne m'avait pas manqué, tout ça...), et je découvre, donc, ce que c'est que de devoir bidouiller et composer avec en plus ma grande de 22 mois... On va faire comme on peut parce qu'en même temps on n'a pas beaucoup le choix... mais comme des millions de choses concernant la parentalité, on n'est vraiment, vraiment jamais préparés...
      Merci de ton passage :)

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  2. C'est dur les débuts oui... Et encore Minus a 3 ans, ça change pas mal de choses quand même !
    Il faut trouver ses marques, son rythme, ça va venir ! Et des conneries, on en fait, on est fatiguées, c'est normal...
    Des bisous ;)

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  3. Je pense que ton post va faire du bien à bcp de mamans qui n'osent pas le dire tt haut comme toi ! Tjs cette hantise de passer pour une mauvaise mère ... mes filles ont 3 ans d'écart dc c'était un peu plus facile ms perso j'ai complètement foiré l'arrivée de numéro 2 ... je n'arrivais pas a faire autre chose que des gestes automatiques alors qu'avec numéro 1 j'avais tt le TPS pour la masser, la choyer etc. J'étais perdue et je passais mon tps à hurler sur la grde, je lui en demandais bien trop pour son âge (ah ça c'est sur elle est dégourdie et autonome maintenant) une sombre période pour moi j'étais un dragon j'en ai mal au vide rien que d'y repenser ! Déjà tu en parles et c'est bien ! Plein de courage from Collioure ;)

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  4. Hé oui, faut trouver son rythme... forcément, moi je vous dis ça, mais c'était le premier jour ; et puis je m'en sors pas si mal, la petite dort dans le transat près de moi, la grande dans sa chambre en haut, j'ai fait une lessive, du rangement, mes comptes... y a plus cataclysmique, faut avouer !

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  5. Tiens, je me reconnais! La grande qui risque de s'enfuir dans la rue à tout moment lorsqu'on prend une marche. La routine du soir quand je suis seule ou je me demande par qui je commence. Ce sont des premières fois pour tout, on apprendra bien vite :)

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    1. Oui, ce sont les premiers jours qui sont difficiles, le temps de trouver un rythme, un semblant d'organisation, puis on est fatigués avec les nuits hachées... Vivement que ça évolue !

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  6. Le passage de 1 à 2 c'est vraiment hardos je trouve. Bien plus que de 0 à 1. Et fort heureusement, ma grande avait déjà 3 ans et demi donc autonome pour pas mal de choses. mais c'est clair que le matin entre préparer l'une pour l'école et faire téter l'autre... ben heureusement que je prends à 9h!!

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    1. Complètement d'accord, le passage de primi à multipare est nettement plus chaud que de nulli à primi..... C'est pas juste un enfant fois deux, encore plus quand ils ont peu d'écart d'âge... Mais comme on m'a dit, un nouveau-né c'est en constante évolution, donc ce qui est galère aujourd'hui ne le sera plus dans quinze jours !

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  7. Oh oui, je te comprends! Mes enfants ont 26 mois d'écart et on a vécu des moments infernaux, à presque regretter de ne pas avoir attendu plus longtemps pour avoir le 2ème. Et maintenant, le petit a 6 mois et le bonheur pointe le bout de son nez, ils commencent à jouer un peu ensemble et nous sommes mieux organisés.

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    1. Exactement ça, nos filles ont 22 mois d'écart... et encore, heureusement la grande est plutôt autonome, elle mange seule, joue seule, parle très bien, s'endort seule... elle nous facilite grandement la vie ; c'est plutôt d'être obligée de lui accorder un temps moindre ou pas forcément aussi agréable qu'avant qui me flippe (genre quand la petite hurle pendant 20 mn.... !). Non mais franchement, nos filles sont faciles à vivre, mais comme toi il me tarde que la petite grandisse, qu'elle fasse ses nuits, dépende moins de nous, puisse jouer avec sa grande soeur, etc.

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