jeudi 6 juin 2013

Vis ma vie avec mon nourrisson

Quand j'ai eu ma grande – qui, du coup, était encore micro-petite –, ça a été dur. Très dur. Je n'ai rien détesté plus que ces deux mois passés à m'occuper d'elle seule à la maison, avant de reprendre mon job salutaire. Il y a quelque temps, j'ai voulu expliquer à un ami pourquoi c'était si difficile, pour sa femme, de s'occuper de leur bébé fraîchement né durant ces longues journées de solitude. On pourrait croire que c'est fastoche. Qu'un bébé, ça dort tout le temps. Que c'est pas bien compliqué : la couche, le bib', le rot, le dodo ; deux, trois sourires ici et là pour l'occuper cinq minutes, et basta. Le reste du temps, on fait un peu ce qu'on a envie, en fait. Les mères au foyer, c'est rien que des feignasses (lol inside).

Sincèrement, je n'ai pas su dire à cet ami, sur le moment, en quoi c'était si dur. Je me souvenais pas, en fait. Je savais que j'en avais chié, mais je savais plus très bien pourquoi. Avec le recul, et sans bien me rappeler, je mettais ça sur le compte du post-partum, point. Je me souvenais vaguement avoir passé deux mois paralysée, incapable d'entreprendre la moindre activité, d'organiser la moindre chose. Je ne savais pas quand elle dormirait, encore moins quand elle se réveillerait. Et que mon quotidien m'échappe à ce point, ça me paniquait complètement.

Du coup, je me disais que cette fois, ce serait plus facile, nettement. Que cette fois, je savais – tu me verras souvent l'écrire, celui-là, et toujours en italique. Que ça faisait deux ans que j'étais mère, deux ans que ma vie tournait en partie autour de ma fille, et donc deux ans que j'apprenais à vivre, à m'organiser autrement.

Et puis ma petite est née. Et puis je me suis souvenue. Je me suis souvenue qu'en fait, non, c'est dur, vraiment. Que ce soit le premier, le second, le troisième. Que tu sois maman noob ou maman jedi. Enfin je sais pas pour les autres ; mais pour moi, s'occuper d'un nourrisson, c'est dur. Vachement, même. Les premiers temps, à nouveau, la déprime. La fatigue. Le stress. Les nuits en pointillés. Les pétages de plombs après avoir tenté de la faire dormir trois heures d'affilée. Le moral qui tombe quand elles font les siestes en décalé. Les nerfs qui frisent à force de tourner dans ma tête l'incommensurable et très longue liste des choses à faire – liste qui ne tarit jamais, mais se complète de jour en jour. Moi qui aime que tout soit fait et non à faire, je devenais vite dingue.

Pourtant je savais ! Qu'un nourrisson, au début, c'est anarchique. Ça dort quand ça veut/peut, ça salit sa couche de manière complètement aléatoire ("vous la changez avant chaque biberon", qu'ils disent, à la maternité – ô douce illusion), ça met deux heures à se remettre d'un rot mal placé. Tu croyais que t'allais donner un bib toutes les quatre heures, et être peinard le reste du temps. Que nenni ! Au final, te voilà déjà quatre heures plus tard, au bib suivant. Et t'as, genre, rien, mais alors rien fait DU TOUT de tout ce que t'avais à faire. Crois-moi, le manque de temps, comme le manque de sommeil (ou, pire, cumulé à), ça rend dingue.

Alors j'ai changé de philosophie. Je me suis dit : prévoir, je peux pas, et ça me rend folle. Alors je vais arrêter. Plutôt que de m'angoisser sur ce que je ne suis pas certaine de parvenir à faire, je vais plutôt me réjouir de ce que j'ai réussi à boucler. Et même me réjouir tout court, après coup, de tout ce qu'il se sera passé de bien, plutôt que d'appréhender tout ce qu'il pourrait se passer de mal. (Je te décongèle le coup du verre à moitié plein à moitié vide, j'avoue.)

Je ne sais pas si elle fera sa nuit, cette nuit.
Ce que je sais, en revanche, c'est qu'elle vient d'en faire trois d'affilée, et que dormir trois nuits complètes m'a fait un bien fou.

Je ne sais pas si j'aurai le temps de faire la vaisselle pendant sa sieste, cet après-midi.
Mais ce que je sais, c'est que j'ai pu : me doucher, déjeuner, sortir les poubelles et ranger le salon, pendant sa sieste du matin. Et ma foi, c'est déjà pas si mal !

Je ne sais pas si elle acceptera de me laisser manger tranquillement sans pleurer dans son transat.
Mais je sais qu'elle a dormi pendant toute ma séance d'ostéo – et mon corps fatigué l'en remercie chaleureusement.

(Tu noteras que plus mes enfants dorment, plus je les aime. Je t'avais dit, que j'étais une mère indigne.)

En bref, je ne planifie plus rien au-delà des cinq minutes. Ça sert à rien : si ça se trouve, à ce moment-là, elle hurlera sa mère (c'est le cas de le dire), et je pourrai faire une croix sur les quinze machins que j'envisageais de pondre en quatrième vitesse.
Non. Je me dis juste : "Tiens, j'ai trois minutes, je vais faire ça, tout de suite, maintenant." Et pour l'après, que sera sera. Laissons l'avenir venir.

Mais chaque soir, au moment de m'endormir (enfin), je fais le compte de ce qu'il y a eu de bien dans ma journée. Ce que j'ai eu le temps de faire, ce que j'ai aimé, les bons moments passés avec mes mouflettes, le calme auquel j'ai eu droit ou les rires qu'on a partagés.

Je vais pas te dire que je ne pète plus un câble, parfois ; que je ne me laisse plus jamais submerger par l'angoisse des Choses À Faire (avec des majuscules et tout). C'est faux. Parfois, je craque complet. C'est normal. C'est dur. C'est du boulot, quoi qu'on en dise. Les enfants, la maison, les paperasses, les courses ici et là. Le taf, pour celles qui bossent. Galoper partout, tout le temps, essayer de faire ce qu'on peut, tout ce qu'on peut. C'est chaud. Dans ces cas-là, le chocolat peut être ton ami – avec modération s'entend.

Je suis quand même satisfaite de moi. C'est dur, mais j'ai appris de ma grande, de toutes mes premières fois de maman avec elle. Et, de fait, tout est plus calme, plus serein, plus évident et plus facile avec ma petite. C'est ainsi ! le cadet bénéficie toujours de l'expérience des parents, là où l'aîné a parfois pâti de leur inexpérience.

J'ai appris, et je résumerais tout cela par les remarques que l'on me fait de plus en plus souvent. "Il y a une vraie communication entre elle et toi." "Elle te reconnaît, elle est heureuse de te voir." "Y a un truc entre vous." Je lui souris, elle me sourit, je lui souris. Ou alors c'est elle qui, du haut de ses pas encore deux mois, vient me chercher et me sourit à ne plus savoir qu'en faire jusqu'à ce que je m'extraie de mon énorme fatigue, que je cède à sa gaieté et que je lui sourie en retour, en remerciement. Parce que j'ai arrêté de me battre contre moi, contre moi qui voudrais faire, et qui se contente désormais d'avoir fait ; et, là tout de suite maintenant, de vivre.

La vie avec un nourrisson, c'est une histoire de concordance des temps.


PS : Et, sinon, je crois bien que la prochaine note, ce serait un chouette concours.
Enfin moi je dis ça comme ça.
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23 commentaires:

  1. Très bel article! Un peu de courage pour celles qui ont encore la tête dans le guidon :)

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    1. Oh que oui... méga empathie à toutes ! On se comprend entre galériennes !

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  2. Complètement d'accord!
    Pas évident d'expliquer en quoi les premiers mois sont éreintants, si ce n'est la succession et l'accumulation de choses insignifiantes et, au fond, si peu gratifiantes par la société.
    Quand on redort un peu, ça va déjà mieux...

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    1. Ça paraît insignifiant, mais c'est dur, et comme je disais à Élise plus bas, tant qu'on ne l'a pas vécu vraiment, on ne sait pas. On suppose que c'est difficile, on suppose les nuits difficiles, etc. Mais on ne SAIT pas vraiment.

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  3. Oui c'est dur d'expliquer en quoi c'est épuisant, physiquement et psychologiquement ! Pour moi c'est sûr que ça a été (c'est toujours un peu, mais passée à 4 bibs / jours à horaires fixes, moins) le fait de lâcher prise. De ne pas pouvoir tout prévoir. Je suis du genre à ne laisser aucune place à l'improvisation, j'étais mal barrée. Du côté du physique par contre c'est plus facile de savoir en quoi c'est épuisant ! Quelle chance que ta mini t'ai offert 3 nuits !!! :-) ici à un peu plus de 4 mois je compte plus les réveils pour rien, pour les dents, pour la sucette, pour un bobo au ventre ou une chasse d'eau chez les voisins. Des réveils entre 15 mn et 2 h. Chaque nuit. Là je crois qu'on peut comprendre que la limite de l'épuisement soit presque atteinte hein :-)
    Quoi que...ceux qui n'ont jamais vécu ça ne peuvent pas savoir, non !
    Elise

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    1. Non Élise, clairement, tant qu'on ne l'a pas vécu, on ne réalise pas l'épuisement que c'est. Même quand on l'a déjà vécu, parce qu'on ne se souvient plus bien, on occulte. Moi, dès que les réveils se mutliplient entre les deux grandes, je craque vite. La grande qui a de la fièvre, la petite qui se réveille et réclame un bib, la grande qui rappelle pour faire pipi au pot en plein milieu de la nuit.....
      Ça paraît pas grand-chose, pourtant, quelques heures de sommeil en moins, et pourtant... Voir arriver le soir en stressant en se demandant qui se réveillera et pourquoi... ne pas oser se détendre, de peur d'être interrompue.
      Pas facile... et je compatis drôlement aux nuits compliquées à 4 mois !

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    2. Oui clairement moi je stresse quand le soir arrive... Mais avec 2 quelle angoisse !! et si les 2 se reveillent en même temps ? Et en llisant les commentaires j'avais oublié : moi aussi je suis d'accord, mon "amour" est proportionnel à la durée de son sommeil !! :-) plus il dort mieux je me porte :-)
      Elise

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    3. Ben disons que tu gères parce que t'as pas le choix, idem quand tu dois coucher les deux et que tu es toute seule, mais bon, ce qui me fatigue c'est de ne plus me détendre le soir en ce moment, car à tout moment la grande notamment peut se réveiller et m'appeler (elle est malade), puis la nuit c'est où la grande ou la petite... ça use vite ma patience et mon moral, la fatigue, c'est dur... Du coup je suis super à cran tous les soirs en ce moment, c'est pas agréable :/

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    4. Je comprends tout à fait... Le soir je me transforme en boule de nerfs, je suis incapable par exemple de me detendre devant une emission debile ou un bon film. Enfin non, parce que finalement c'est pareil, je "sais" pas ce que c'est avec 2. Je l'imagine très bien mais ne le "sais" pas. Alors bon courage et nourris-toi de leurs sourires le jour, de leurs rires, je te jure parfois la journée je me dis "grave-toi ce moment dans la tête, tu te demanderas moins pourquoi on a décidé de changer le cours de notre petite vie peinarde et tranquille à 4h du mat... Et j'aurai moins envie de lui faire bouffer la déco de sa chambre..." :-)

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    5. Huhu, lui faire bouffer la déco de sa chambre, faudrait que j'essaie, à 4 h du mat', moi aussi... ou son mobile quand elle me réveille à 5 heures pour le lui remettre... alors qu'elle sait le faire toute seule.... :D

      Tu sais, tant que je n'en avais qu'une, je troouvais ça dur, déjà, et j'étais fatiguée, déjà... Bon, le soir j'étais zen, surtout qu'elle est grande donc a un rythme calé depuis longtemps... là, la petite + la grande malade, forcément, les soirées sont moyen zen...

      Mais donc ce n'est que depuis que j'en ai deux que je me dis que, la vache, une, c'était hyper facile en fait :D Alors que toi et moi on sait que ce n'est jamais facile, finalement.

      Mais j'ai suivi ton conseil, j'ai beaucoup profité d'elle ce matin (vu que je la garde depuis quatre jours because maladie pourrie), et on s'est beaucoup marrées sans que je cherche spécialement à lui faire faire des trucs de fou. On a juste profité et c'était top :)

      Le tien a quel âge ?

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    6. Il a 4 mois et 1 semaine ! Il est né exactement le même jour que la tite Craquotte de Marjolaine de Mamour Blogue ! Laaaargement assez vieux pour dormir la nuit hein ! Lol oui le mobile aussi je le lui ferais bien bouffer, enfin avec toutes les petites choses amoureusement préparées pendant ma grossesse pour lui faire un petit cocon d'amour et de SOMMEIL !!! :-) bon courage avec ta grande...

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    7. Sommeil, rah, sommeil, ne prononce pas ce mot interdit.... :D

      C'est marrant qu'il soit né le même jour que la puce de Marjolaine ;)

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    8. Yep ! C'est nos ptits jumeaux !! Avec Elise, on s'est rencontrées via mon blog ! On a vécu nos accouchements en même temps, on a comparé l'évolution de notre dilatation toussa toussa quoi !! Et puis on a fait la course un peu ! Parce que ça a commencé quasiment à la même heure ;) Bon heureusement j'ai gagné (quand même un peu plus rapide avec un 2ème) mais j'ai eu peur à un moment, huhuhuhu !
      Bon à part ça, comme moi je suis ultra bordélique, je prévois jamais rien, alors ça me stresse pas du tout ce que j'ai à faire ;) (tellement pas que je viens d'entamer mon congé parental et que j'ai toujours pas envoyé mon dossier à la CAF parce que je suis déjà découragée de tous les papiers que je dois fournir... mais c'est la merde quand même là...)
      Mais bien sûr ça reste fatigant, et j'ai vraiment maudit les jours où ils ont fait leurs siestes en décalé...
      Je crois qu'on aime tous plus nos enfants quand ils dorment !!
      Bisousssss ;)

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    9. Oh bah dis, on se retape un deuxième accouchement, encore heureux qu'on va plus vite que les autres, dis donc, faut bien des avantages, quand même :D

      Bon en fait, je retiens que la solution de la zénitude avec deux enfants, c'est d'être ultra bordélique et hyper désorganisée... fallait y penser :D

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  4. En effet, ça peut être dur (et mon amour maternel est également proportionnel à la durée de leur sommeil, c'est dire si je les aime!;-), mais toutes les mères ne rencontrent pas ces difficultés ni même de post-partum, ce n'est pas une fatalité. J'ai eu la chance de ne pas connaître ces phases difficiles, j'avais plutôt le contraire, le baby-euphorie! Et je sais que je ne suis pas un cas isolé...

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    1. Personne n'a dit que c'était une fatalité ; par contre, on colporte souvent l'idée que l'arrivée d'un bébé, c'est que du bonheur, et ce n'est pas toujours vrai, et c'est important de le dire pour celles qui le vivent et qui s'en veulent de le vivre si mal. C'est important aussi d'être préparé(e)(s) au fait que oui, ça peut être dur, très dur, et que c'est normal.
      Tant mieux pour celles et ceux qui ne le vivent pas mal, qui ne dépriment pas, qui s'épanouissent dans ce rôle de parents ; tant mieux, et tant mieux pour toi.
      Mais pour d'autres, c'est difficile ; ça passera, avec le temps, mais c'est difficile. Et ça soulage énormément de savoir que d'autres vivent les mêmes difficultés que soi.

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  5. Je m'apprête à accueillir la deuxième et j'ai exactement ce même sentiment de "je sais que c'était vraiment très dur, mais je ne sais plus très bien pourquoi" (le grand va avoir 5 ans). Au final, te lire m'angoisse un peu (oui, c'est aussi dur de ne pas dormir pour le second que pour le premier, y a pas de miracles), mais me rassure aussi. Sans compter que c'est joliment écrit, ce qui ne gâche rien.
    Sur ce, je file travailler mon verre à moitié plein...

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    1. Si ça peut te rassurer, franchement autant ça été difficile pour ma première, autant là j'étais préparée. Plus d'expérience, plus d'aisance, je savais que mon quotidien serait anarchique, je savais la fatigue, tout ça. Je ne me souvenais plus que c'était à ce point, je me suis rendu compe que premier enfant ou suivant, oui, c'est difficile, c'est pas juste une question de déprime de jeune maman inexpérimentée, mais on s'adapte bien mieux. On se fait bien plus confiance, on fonctionne plus à l'instinct, on se sait mère, cette fois, on se pose moins de questions, on stresse moins car on connaît, on a déjà vécu. C'est ce que j'écris : oui, c'est dur, je me rappelle à présent ; mais en même temps tu as plus de ressources, de connaissances, d'habitudes pour y faire face, et ça revient très vite !

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    2. Et ta deuxième arrive quand ? :)

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  6. oh punaise... comment je me retrouve dans ce que tu dis !!! tout pareil chez moi !!! courage, patience et philosophie vont nous faire tenir !

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    1. Oui, courage et patience...... C'est pas facile mais ce sont des choses riches qu'on vit là tout de même !

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  7. Positive attitude ! Hé Lorie sors de ce corps! lol (t'as vu mes références)! Non plutôt opération bonheur : tu as raison c'est difficile, super difficile même et je peine même à le faire comprendre à chéri qui quand il rentre le soir a du mal à comprendre que le salon soit toujours en bordel et la vaisselle dans l'évier. Mais oui malgré tout ces petits bouts c'est du bonheur aussi qu'ils savent nous transmettre, les sourires de ma fille comme ceux de la tienne savent me ramener à l'essentiel, ne pas nous mettre la pression, assumons d'être imparfaites et ne retenir que le meilleur :)

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    1. Oui, il y a plein de moments qui "compensent" ces difficultés, et puis voilà, ce sont des êtres humains, pas des machines, ils sont imparfaits eux aussi, faillibles, ont des défauts, tombent malades, sont de mauvaise humeur sans raison... C'est pas facile mais ça vaut le coup !
      (mais je pense rarement à me dire que ça vaut le coup quand c'est le quatrième réveil de la nuit.......)

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