vendredi 22 mars 2013

Je suis une mère indigne

Parce que (ça va être long) :

Dans mon projet de naissance, j'avais demandé qu'on lave ma fille avant de me la donner.

L'accouchement physio, c'est top ; très courageux, j'admire, toussa ; sinon pour moi ce fut triple dose de péridurale en bolus... oui oui, à 1 cm de dilatation, merci bien.

A sa naissance, je n'ai rien ressenti. Du tout. Je me suis juste dit : "Bon, et sinon je peux aller dormir moi, maintenant ?"

Y a des photos de la maternité où je la trouve franchement laide.

Y a des photos de la maternité où je me trouve franchement abattue (et laide).

Je ne l'ai pas allaitée au sein, et je ne l'ai jamais regretté.

A la maternité, j'aurais vendu père et mère pour la mettre en nurserie la nuit. Bon, j'ai pas osé. Je vais rattraper ça.

Le cododo, dans ses rêves : premier dodo maison post-maternité, c'était dans son lit, dans sa chambre, dans le noir (et nous complètement flippés devant le baby phone).

J'exécrais tellement ses nuits bébé que j'ai promis monts et merveilles à mon homme pourvu qu'il assure tout seul ces put... de bor... de conn... de nuits de m... de chio... . Heureusement, il a oublié ma promesse.

Un soir, j'ai eu envie de la secouer très très très fort. C'est le polochon qui a pris.

Il m'a fallu plus de six mois pour me sentir enfin maman.

J'étais tellement heureuse de laisser ma fille chez la nounou à 2 mois que je me suis gardé une semaine de vacances peinarde avant de reprendre le taf.

Plutôt mourir, d'ailleurs, torturée par des pinces à linge (ça peut être très long) plutôt que de prendre un congé parental (ça peut être encore plus long).

J'ai un mari parfait qui aurait donné cher pour s'occuper de ses filles à longueur de journée plutôt que de bosser. Je ne culpabilise pas du tout. J'assume vachement.

Je déteste cuisiner, mais j'adore acheter des petits pots.

Quand elle tousse la nuit, je suis plus flippée à l'idée de passer une nuit de chiotte qu'à l'éventualité qu'elle puisse être malade (et donc souffrir - enfin n'abusons pas tout de même, c'est une rhino, hein, bon).

Trois mois avant, je compte les jours qu'il me reste avant le prochain week-end qu'elle passera chez ses grands-parents.

Je ne l'emmène pas dans tous les parcs du département. Mais je la colle volontiers devant un DVD "Barbapapa" pendant que je consulte mes mails.

C'est tout juste si je me souviens de sa première dent, son premier mot, ses premiers pas, son premier sourire. Ah non, au temps pour moi : en fait je m'en souviens pas du tout.

J'ai la flemme aiguë quand il s'agit de la promener. C'est la pression sociale qui me fait dire que bon, quand même, on va aller prendre l'air au parc aujourd'hui.

Au supermarché, je lui dis que "non, non, non, c'est pas l'heure de manger des tâteaux", tandis que je mets bien 15 mn à choisir consciencieusement lesquels je pourrais bien m'enfiler ce soir après le coucher de la gamine.

Aucune de ses fringues n'est repassée. C'est bon, elle passe pas encore des entretiens d'embauche, que je sache. (Aucune des nôtres non plus, d'ailleurs.)

Je lui achète des oeufs de Pâques (bien) dans lesquels je tape allègrement avant date (pas bien).

Quand elle demande le pot, je fais comme si j'avais pas entendu. Non mais parce que les couches, ça nous gênait pas, nous. Elle a pas 2 ans, y a pas le feu, quoi.

Je gratte le moindre prétexte foireux pour la laisser une ou deux heures de mieux chez la nounou. "Chuis malade." "Trop de taf." "Mon chat me demande." "J'peux pas, j'ai piscine."

Je n'ai aucune photo d'elle sur mon téléphone. Ni sur mon bureau. Ni dans ma maison. J'ai une photo de mon chat, par contre.

Je n'ai pas encadré les 38 dessins qu'elle a fait chez nounou. Ils zonent dans le débarras, écrasés par un carton bien lourd. (En même temps, des traces de doigts, bon, voilà quoi.)
 
Et pourtant... Et pourtant.

Je jubile à l'idée de la faire garder, et je chiale dès que je l'ai déposée.

J'ai le coeur qui s'arrête dès qu'elle tousse. Elle a sûrement la tuberculose ou un truc mortel dans le genre. Elle va mourir et je vais m'arrêter de vivre.

Je souris comme un putain de chamallow en regardant ses photos de bébé.

Plutôt mourir que d'avoir une relation fusionnelle. Mais je fonds devant son "oooh Maman !!" le matin quand elle bondit dans mon lit.

Je la bisoute tout le temps. Mais genre tout le temps. C'est pathologique.

J'ai son initiale à mon collier. Pour pas qu'il lui arrive un truc. Si si, c'est scientifique.

J'ai envie de mourir quand elle préfère sa nounou à moi.

J'ai envie de mourir quand elle rigole plus avec son père qu'avec moi.

J'ai envie de mourir (et de la tuer) quand elle refuse mon bras autour de son épaule. Mais je me contiens.

Je chiale toutes les larmes de mon corps dès que je vois un gamin dont les parents meurent dans "Urgences". Parce que je peux pas imaginer ma gosse sans ma protection, sans mon amour, sans mes bras.

Je poste des photos d'elle sur Facebook pour que l'intégralité de mon entourage s'extasie dessus (tréfonds de la lose).

Je ne supporte juste simplement pas qu'elle souffre. Ou qu'elle soit triste. Ou qu'elle se sente abandonnée. Ou qu'une larme coule sur sa petite joue.

Je ne peux pas ne pas l'aimer. 

Bref... Et je dois en pondre une deuxième dans 21 jours, ou moins. Et je dois être complètement folle pour les faire, ces gamines. Mais je les fais. Parce que. Je sais pas. Parce que. Bon.
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8 commentaires:

  1. Moi, j'ai juste une question: pourquoi dis tu que l'accouchement physio c'est super et très courageux?

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    1. Parce que je pense qu'un accouchement, c'est à la base un acte naturel, fondateur, dont j'aimerais être plus actrice, dont j'aimerais pouvoir prendre plus possession si je ne l'appréhendais pas tant psychologiquement que physiquement. Sans méjuger celles qui prennent la péridurale (loin de là !), j'admire celles qui sont en phase avec elles-mêmes à ce moment-là, celles qui en suffisamment confiance en elle, en leur corps, en leurs capacités, pour investir pleinement leur accouchement, celles qui savent déjà à l'avance que non, elles ne veulent pas la péridurale, celles qui veulent tout ressentir, qui veulent mettre au monde leur enfant, et non pas seulement le laisser naître. J'aimerais avoir cette capacité, mais 'en suis incapable. C'est pas dramatique, mais de fait, j'ai trop peur et trop peu confiance en mes capacités pour envisager un seul instant de ne pas prendre la péridurale.

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  2. On est un peu schizo quand on est mère ne fait :)

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    1. On devient (ou on se découvre...) un peu des tas de trucs bizarres quand on est mère, en fait ;)

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  3. Ben voilà c'est malin, tu m'as mis les larmes aux yeux :*)

    Je vous admire, vous les mamans, vraiment mais vraiment beaucoup...

    Et j'adore ton style d'écriture. Drôle, attendrissant, émouvant...

    Big hug :)

    Steph

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    1. Ma toute belle <3
      C'est bien agréable d'avoir tes jolis messages par ici :)
      Big hug ma caille d'amour <3

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  4. Ouahhh je découvre ton blog et le parcours ce matin et là... Les larmes aux yeux... C'est trop moi (à presque regretter le lundi à la première crise de hurlements à 7h30 ce congé parental de 4 mois.. Je pourrais être au travail... À me dire bordel il a vomi son bib, je vais passer une nuit pourrie... Mais à l'aimer tellement fort, à être tellement fière, et à porter un "A" autour du poignet)... Merci, je me sens 10 000 fois moins seule :-) (elise, qui ne peut publier qu'en anonyme depuis son tel :-)

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    1. Si ça peut te consoler, maintenant que la deuxième est là, je réalise que j'exècre toujours autant le congé maternité (pas parental, juste maternité, je reprends dans un mois)... passer toute sa journée seule à essayer d'endormir un bébé qui ne veut rien d'autre que les bras, tout en gérant en plus la grande.............

      Y a pas à dire : on les aime, mais on prend dix ans dans la tronche à chaque enfant.

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